À Lagos, au Nigeria, la fourniture d’eau courante a cessé de fonctionner depuis belle lurette, mais on se souvient encore très bien de la longue liste de substances indésirables que l’on trouvait quand on laissait au repos un verre d’eau du robinet. L’exemple type du mélange hétérogène. C’est l’excès de chlore qui est la plupart du temps dénoncé. Mais aussi les coupures, délestages et autres pannes qui entraînent les interruptions de la distribution. Toutes choses qui cependant n’empêchent pas les factures de tomber à la fin du mois.
Trêve d’anecdotes ! La fourniture d’eau potable dans les villes se confronte à un immense défi : celui d’une démographie galopante face à une diminution progressive et certaine de l’offre en eau : le niveau d’eau des nappes souterraines, les plus sollicitées pour l’approvisionnement, est à la baisse du fait de leur surexploitation ; les eaux superficielles sont menacées sinon polluées par toutes sortes d’activités humaines, ce qui rend le traitement en eau potable de plus en plus coûteux ; les équipements de la production et de la distribution de l’eau potable coûtent les yeux de la tête et la Banque Mondiale paraît seule capable de faire face à pareil budget.
Un autre défi, et non des moindres, est le niveau de formation du personnel dont on sait qu’il déteint sur la qualité de la prestation .Le personnel qualifié est peu nombreux dans les stations de production d’eau potable. Et de surcroît, là où l’on brasse une masse d’argent aussi importante, il y a grand risque que la corruption fasse son apparition. Hélas !
Les villes africaines ont donc bien soif d’eau ! De Lagos à Luanda, de Cotonou à Dakar, et j’en passe, les usagers attendent quasiment partout d’être mieux servis en eau potable.
Mais voici les eaux en sachets ou en bouteilles ! Elles arrivent sur les marchés comme pour suppléer la défaillance de la fourniture officielle d’eau potable et répondre à la demande sans cesse croissante des villes. Si les eaux embouteillées sont hors de portée de bien des bourses, donc très peu demandées, les eaux en sachets, véritable nouvelle invention, sont disponibles et à la portée de tous les porte-monnaie, et donc consommées sans modération. Dans les écoles, les restaurants, les centres de santé, les marchés et lors des manifestations publiques, les eaux en sachets dites ‘pure water’ sont devenues incontournables. Elles cachent malheureusement nombre de risques pour la santé des consommateurs. Les conditions d’hygiène de leur conditionnement et la qualité de l’eau utilisée constituent autant de sujets de préoccupation. Quant au sachet plastique, il est ensuite abandonné comme n’importe quel déchet non recyclable et non dégradable. Conclusion : les eaux en sachets représentent pour les villes une problématique supplémentaire.
Cinquante ans après les indépendances, l’alimentation en eau potable des populations africaines, en particulier dans les villes, reste un défi total, une équation bien difficile à résoudre. Idem pour la fourniture d’énergie électrique comme pour les moyens de transport urbain.
Pourtant l’Afrique dispose de beaucoup d’eau douce pour satisfaire tous les usages et besoins de ses habitants. Les grands fleuves et les grands lacs doivent être mis à contribution. Il y a sans doute un problème de gouvernance et de vision à l’échelle du continent tout entier. Que peut faire un pays en matière socio-économique sans la maîtrise de l’eau, disponible en quantité et en bonne qualité ? La réponse à ce défi passe indéniablement par la meilleure gestion possible des ressources en eau, par une politique d’aménagement du territoire digne de ce nom, par une mise en commun efficace des moyens et des projets. C’est, somme toute, une question de volonté politique.
Bernard Capo-Chichi,
Porto-Novo (Bénin)