À Genève, on les appelle communément les ‘chasses du Rhône’. Depuis sa mise en service en 1942 jusqu’en 2003, le barrage de Verbois en a connu exactement vingt, selon un rythme triennal à partir du milieu des années 60. L’opération – très spectaculaire - consiste d’abord à vider totalement la retenue d’eau pour permettre au fleuve de retrouver un bref instant son écoulement naturel, puis à augmenter rapidement le débit du Rhône à sa sortie du Lac Léman. Ce flux puissant emporte les limons, graviers et autres sédiments qui s’étaient accumulés dans son lit, charriés essentiellement par l’Arve en provenance des massifs du Mont-Blanc.
Cette méthode, prévue dès la construction du barrage, a l’avantage de maintenir un volume de retenue aussi plus proche que possible de celui de la première mise en eau et de réduire les risques d’inondations du quartier de la Jonction sis au confluent du Rhône et de l’Arve. Mais ce genre de pratique cause de gros dégâts à l’environnement, en particulier à la faune – poissons et oiseaux nicheurs – que la chasse déporte massivement et brutalement vers l’aval. D’où cette question cruciale posée lors du Congrès du Rhône de 2006 : comment concilier respect de la nature et production d’électricité ? > Lire l’article correspondant
Depuis 2003, aucune vidange n’a effectuée sur la retenue de Verbois, résultat d’un moratoire effectif accordant aux experts techniques et aux décideurs politiques le temps d’étudier les possibles scénarios d’un plan de développement durable pour le Rhône genevois. Entre temps, les sédiments ont bien sûr continué de se déposer et en cinq ans ce ne sont pas moins de 2,5 millions de mètres cubes qui se sont accumulés (une chasse permet de purger 1 million de m3 de sédiments).
La proposition SIG
Après avoir examiné les différents scénarios envisagés par le groupe de travail (voir ci-contre), les Services Industriels de Genève ont élaboré une proposition dont ils ont révélé les grandes lignes lors du séminaire du 20 novembre 2008. L’objectif, à long terme, est d’adapter les différentes infrastructures à une forme de gestion passive. Mais à court terme, le temps presse et il faut agir rapidement pour infléchir la tendance actuelle à une forte accumulation de sédiments et retrouver le volume utile de la retenue. Des travaux doivent être également entrepris sans trop de retard pour rehausser le niveau de collecteurs d’eaux pluviales et de certaines passerelles sur l’Arve.
Concrètement, les SIG imaginent le calendrier suivant, à chaque fois en septembre/octobre :
– 2010 : abaissement complet et chasse
– 2015 : abaissement partiel (de 4 mètres au niveau du barrage de Verbois
– 2020 : abaissement complet et chasse
– 2025 : abaissement partiel (de 4 mètres au niveau du barrage de Verbois
Les ateliers thématiques qui ont suivi cette proposition ont certes fait apparaître davantage de doutes et d’interrogations que d’assentiments immédiats. Les premières réactions, à vif, ont clairement démontré les difficultés d’une décision qui doit prendre en compte toutes les composantes d’un développement qui se veut durable : comment en effet concilier équitablement et simultanément les impératifs économiques de la gestion d’un barrage avec ceux de la sécurité de tout un quartier urbain et ceux de la protection d’un riche et complexe écosystème aquatique ? Les décisions finales appelleront sans aucun doute d’autres concertations locales et transfrontalières. Mais, à lire les différents indicateurs chiffrés, il y a urgence évidente. (bw)