Au point de départ, une série de constats rappelés par les chercheurs [1] et partagés par à peu près tout le monde : dans la plupart des régions du monde, la demande en eau ne cesse d’augmenter alors que les ressources en eau diminuent et aggravent les pénuries ; les méthodes traditionnelles d’approvisionnement, là où l’eau se fait rare, ne suffisent plus pour répondre à la demande ; il est donc impératif de développer des solutions innovantes qui pourront réduire l’écart entre l’offre et la demande. Le dessalement de l’eau de mer [2] est l’une de ces solutions et les usines se multiplient d’ailleurs à grande vitesse sur les littoraux. Mais si on ne la maîtrise pas mieux qu’aujourd’hui, cette pratique pourrait engendrer des problèmes écologiques plus importants que les réponses qu’elle entend apporter aux déficits d’eau potable.
Dans les usines de dessalement, le processus de base consiste à séparer les eaux prélevées en deux flux différents : d’une part un flux d’eau douce ou de faible salinité, de l’autre un flux de saumure (de l’eau à forte concentration de sel) contenant également d’autres résidus chimiques utilisés par exemple dans les procédés de dessalement. On sait depuis longtemps que le dessalement de l’eau de mer requiert beaucoup d’énergie (bien que des améliorations soient continuellement apportées pour en réduire la consommation) et qu’il est donc très coûteux. Mais ce que révèle cette nouvelle étude, c’est qu’on avait très probablement sous-estimé son coût environnemental : en moyenne mondiale, la quantité de saumure sortant des usines de dessalement (141,5 millions de m3/jour) dépasserait d’au moins une fois et demie la quantité d’eau dessalée (95 millions de m3/jour). Avec de multiples conséquences négatives pour les écosystèmes marins notamment.
Sur la base des quelque 16’500 documents en tous genres qu’ils ont consultés, les chercheurs ont identifié 15’906 usines de dessalement de par le monde. Quatre pays du Moyen-Orient - l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar - qui recourent très largement aux techniques de dessalement grâce à leurs ressources pétrolières, produisent 32 % du total d’eau dessalée et 55 % de la saumure.
Pour les auteurs de l’étude, il découle de leurs recherches que "des stratégies améliorées de gestion de la saumure sont nécessaires pour limiter les impacts négatifs du dessalement sur l’environnement et en réduire le coût économique, et ainsi stimuler les futurs développements des installations de dessalement afin de préserver l’approvisionnement en eau des générations actuelles et à venir". En d’autres termes, il s’agit de "transformer un problème environnemental en une opportunité économique".
Cela signifie, vu qu’actuellement les pays à hauts revenus sont pratiquement les seuls à pouvoir se payer des installations de dessalement, que la priorité devrait être mise sur le développement de technologies financièrement plus abordables et sur leur application dans des pays à faibles revenus. Mais les chercheurs pensent aussi aux innovations possibles quant aux moyens d’exploiter la saumure qui offre un certain nombre d’avantages économiques, par exemple dans le domaine de l’aquaculture et de l’élevage de poisson, ou dans la culture de plantes halophytes. Celles-ci, adaptées aux milieux salés, peuvent convenir à l’alimentation humaine et animale, voire à la production de biogaz. (Source : UNU/Elsevier)