Nous nous situons à l’époque gallo-romaine, celle des bâtisseurs de grands ouvrages maçonnés, au cœur de la Gaule, dans la cité des Bituriges Cubi. Celle-ci avait pour capitale Avaricum, la ville actuelle de Bourges (Département du Cher). Elle était alimentée en eau par (au moins) quatre aqueducs connus sous les noms d’aqueduc de Menetou-Salon, de Valentigny, de Nérigny et de Traslay. Ce dernier, si l’on en croit les documents consultés, est « le mieux connu des quatre », et surtout le plus long. C’est lui qui a donc d’emblée retenu notre attention.
Cet aqueduc tire son nom du lieu-dit Traslay, son lieu d’origine reconnu pour la première fois en 1848. Il mesure 42,5 kilomètres de long et traverse une dizaine de communes entre Ourouer-les-Bourdelins et Bourges. Cet aqueduc est souterrain dans la majorité de son parcours et aucun vestige n’en est actuellement visible en surface (les photos ci-contre ont été prises sur un éboulement naturel).
Il est de construction soignée et semble entrer dans le mode de construction des aqueducs romains en général, à savoir : une cuvette pour la circulation de l’eau, des piédroits (murets) pour soutenir la voûte, et une voûte en berceau plein-cintre, ces derniers maçonnés en petits moellons liés au mortier. Ses dimensions sont telles qu’un homme pouvait y circuler debout, afin d’entreprendre des travaux de curage, nettoyage, réparation (colmatage de fuites par exemple) : 40 cm de large en moyenne pour la cuvette, et 1,70 m de haut en moyenne, du fond de la cuvette à l’intrados (intérieur) de la voûte. Ce profil semble être le même pour tout l’aqueduc.
La détermination de son tracé précis est en cours mais il a déjà pu être suivi sur quelques kilomètres sur la base de photos aériennes et de prospections pédestres. Ces deux méthodes ont également révélé la présence « d’aqueducs secondaires », de profil plus petit, reliés à cet aqueduc principal. Ils servaient soit à alimenter l’aqueduc de Traslay par le captage d’eaux de sources, soit à dériver l’eau de l’aqueduc vers un habitat, telle une villa (ferme).
Cet aqueduc est en pente constante sur la totalité de son cours, ce qui permettait un écoulement continu de l’eau. Pour maintenir cette pente, les constructeurs ont dû s’adapter au terrain de deux manières : en faisant passer l’aqueduc sur des supports en maçonnerie (murs d’environ 2 mètres de large sur autant de haut) lorsqu’il s’agissait de franchir des vallées, et en le construisant très en profondeur lorsqu’il s’agissait de traverser une « colline ».
Le manque, voire l’absence de fouilles archéologiques de cet aqueduc, ne me permettent pas d’en dire plus pour le moment sur son mode de construction. Cet ouvrage est cependant exceptionnel car très bien conservé (puisque majoritairement souterrain) et parce que son étude en cours apporte d’intéressants éléments sur son aménagement. Il me reste néanmoins à répondre à des questions techniques : à quelles profondeurs maximales et minimales est-il construit ? Comment a-t-on acheminé les matériaux de construction en profondeur ? D’où venaient ces matériaux ? L’aqueduc a-t-il vraiment fonctionné ?
J’espère enfin que cette étude pourra être correctement menée à terme et que cet aqueduc figurera sur la liste des Monuments Historiques. Cela permettrait sa conservation, et pourquoi pas sa restauration en certains endroits ? Reste à convaincre les agriculteurs et les habitants du bien-fondé de ma démarche.
Marianne Surgent, archéologue