La décision prise en 2014 par Dublin de changer radicalement le système de tarification de l’eau potable avait aussitôt, avant même son entrée en vigueur, suscité la grogne et mobilisé contre elle une majorité d’Irlandais qui jusque-là bénéficiaient de la gratuité des services de distribution. Les incessantes protestations et manifestations de rue auront finalement obligé le pouvoir à faire malgré lui machine arrière.
Pendant de très nombreuses années, contrairement à ce qui se fait dans les pays de l’Union européenne, l’approvisionnement domestique en eau relevait de la compétence des autorités locales et était financé par le biais de la fiscalité générale et des impôts sur le revenu. Depuis le 1er janvier 2015, chaque ménage devait s’acquitter de sa consommation réelle, ce qui impliquait entre autres l’installation de compteurs dans chaque immeuble.
L’été dernier, après de longues négociations faisant suite à des élections législatives dans lesquelles les deux grands partis traditionnels du pays –Fine Gael et Fianna Fáil – avaient perdu des sièges, un accord avait été conclu sur la formation d’un gouvernement sans majorité parlementaire et sur la suspension provisoire du nouveau système de taxation de l’eau. Cette trêve devait permettre à une commission indépendante de réexaminer ce dossier très controversé.
Celle-ci vient donc de rendre son rapport [1] avalisé dans la foulée par la chambre basse du Parlement irlandais et transmis pour exécution aux ministères concernés. Pour la toute grande majorité des Irlandais (92 % environ), le service de l’eau redevient gratuit et seuls seront taxés les usages supérieurs de 70 % à la moyenne des consommations domestiques [2]. Des allocations spéciales devraient être prévues pour des familles plus nombreuses ou dans des situations exceptionnelles de précarité.
Les nouvelles dispositions prévoient que les compteurs installés jusqu’à présent continueront d’être utilisés pour les mesures de consommation, que les ménages qui n’en ont pas ne devraient pas être obligés d’en poser mais seront encouragés à le faire, et que toute nouvelle construction en sera désormais équipée. Les ménages qui ont dû s’acquitter de taxes sous le régime de redevances qui vient d’être aboli devraient également être remboursés selon des modalités qui restent à définir.
Irish Water, la société nationale de distribution créée par l’État en 2013, gardera son statut de droit public mais son fonctionnement sera assuré par le biais de la fiscalité générale (ce qui, dit-on à Bruxelles, violerait la Directive-cadre européenne sur l’eau). Le gouvernement est par ailleurs invité à organiser un référendum qui, si la majorité des citoyens le demande, permettrait d’inscrire dans la Constitution le principe de la propriété publique des services de l’eau de manière à prévenir toute tentative de privatisation.