En Suisse et en matière de gestion des eaux, les défis peuvent se résumer en trois grands chapitres :
– la pression sur les ressources hydriques, qui ne cesse de croître du fait d’une augmentation de la demande pour toutes sortes d’usages et du fait également des changements climatiques déjà perceptibles,
– la difficulté croissante de concilier à la fois les intérêts particuliers des différents utilisateurs de ressources hydriques, la nécessité de mieux protéger les populations et les infrastructures contre les crues et autres dangers liés à l’eau, et l’impérieuse obligation de protéger ces ressources contre tout ce qui dégrade leur qualité,
– l’importance de mieux connaître la grande complexité des systèmes hydriques pour être en mesure de les gérer de la manière la plus adéquate et la plus efficace possible.
“Souvent l’on a confondu la notion de gestion des eaux avec celle, très restrictive, d’exploitation économique de l’eau. La propension à faire valoir dans ce domaine des intérêts particuliers sans tenir compte d’autres objectifs légitimes appartient désormais au passé. Plus un cours ou plan d’eau est mis à contribution, plus il en résulte des conflits d’intérêts et une situation de pénurie au sens large du terme. Alors que naguère on ’utilisait’ l’eau, il s’agit aujourd’hui de la ’gérer’” (Guide pratique, volet I, 2.1)
Un espace de référence,
des actions à long terme
Parmi les arguments avancés en faveur d’une gestion par bassins versants, ou tout au moins par vallées, les documents de travail de l’Office fédéral de l’environnement mettent en évidence que cette manière de faire se concentre sur le système hydrique donné par la nature : les problèmes sont réglés là où ils apparaissent sans se limiter aux abords immédiats d’une intervention sur les eaux, la zone d’action et l’espace de décision ne font qu’un.
L’analyse des situations par bassin versant permet d’y voir plus clair sur les interdépendances et les interactions, les synergies et les conflits potentiels entre les divers acteurs et secteurs d’activité concernés par la gestion des ressources communes et ses incidences territoriales d’amont en aval. De ce fait, elle s’inscrit ainsi dans le cadre d’un développement durable, poursuit des objectifs à long terme, implique des activités qui peuvent se dérouler sur plusieurs années.
Le succès et l’efficacité de la gestion par bassin versant dépendent évidemment de la qualité de sa planification, de la justesse des décisions prises par les gestionnaires, de l’adéquation des moyens mis en œuvre sur le plan financier comme sur le professionnalisme des intervenants, de la concertation avec tous les usagers et acteurs concernés, des modes de vérification des projets, etc.
Des initiatives concrètes ont déjà été prises dans plusieurs cantons. Fribourg a inscrit le principe de la gestion par bassin versant dans sa nouvelle loi sur les eaux ; Genève, qui avait fait de même, dispose aujourd’hui d’un Schéma de protection, d’aménagement et de gestion des eaux (SPAGE) ; le Valais a entrepris une planification globale au niveau du bassin versant pour assainir ses cours d’eau à débit résiduel ; dans le canton de Berne, le projet Kander 2050 vise des objectifs à long terme dans les domaines de la protection contre les crues, de l’écologie et de l’utilisation des eaux ; les cinq cantons riverains de la Birse (Jura, Berne, Soleure, Bâle-Ville et Bâle-Campagne) se sont dotés d’une commission intercantonale pour coordonner la mise en œuvre des mesures prévues dans l’ensemble de son bassin versant.
La gestion par bassin versant
n’est pas une fin en soi
À la lecture des documents de l’Office fédéral de l’environnement, il apparaît clairement qu’il n’est pas question, du moins pour le moment, d’imposer systématiquement une gestion par bassin versant à l’ensemble du territoire suisse. Ce ne serait, dit-on, ni réaliste ni nécessaire.
Par contre, il importe de faire une analyse de situation couvrant tout le pays, ce qui permettra de décider ensuite où il convient de lancer ce type de gestion intégrée. Une telle approche doit être appliquée lorsqu’il existe un besoin manifeste de coordination et que les avantages attendus justifient amplement les efforts et les investissements consentis. Bien souvent, on se contentera cependant de mesures sectorielles et locales pour autant que celles-ci s’inscrivent dans une vision d’ensemble à long terme.
Il n’y a pas si longtemps, c’est le principe d’opportunité qui prévalait : les services concernés réagissaient au coup par coup, pour répondre à des nécessités immédiates, après une inondation par exemple, ou pour résoudre des problèmes urgents. Dorénavant, dans pareils cas, il faudra se poser la question de savoir si l’on se contentera d’actions ponctuelles et réactives ou s’il convient alors d’opter pour une ligne stratégique à long terme, ce qui relève clairement de choix politiques et non plus seulement techniques.
Si la gestion par bassin versant n’est pas une panacée, c’est parce qu’il convient d’intégrer d’autres paramètres que les critères hydrologiques (lesquels d’ailleurs ne peuvent se limiter aux seules données des eaux de surface sans s’occuper des eaux souterraines qui, elles, ont leurs propres bassins versants très souvent différents des périmètres des réseaux superficiels).
Passer de la théorie à la pratique n’est pas chose facile dès lors que l’on prend en compte les structures politiques, administratives, organisationnelles ou autres. Il n’est pas rare, par exemple, qu’une commune soit située sur des bassins différents, pour son approvisionnement en eau potable comme pour l’évacuation de ses eaux usées. Que l’on songe aussi à la situation du Valais et de ses innombrables réseaux et canalisations acheminant de grandes quantités d’eau d’une vallée à une autre (donc d’un bassin versant à un autre), notamment pour l’irrigation et pour la production hydroélectrique. (Source : OFEV)
Les documents mentionnés ci-dessus concernant la gestion intégrée des eaux en Suisse par bassin versant sont disponibles sur le site de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) :