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21 mai 2016.

Genève a de nouveau vidangé la retenue de Verbois, mais partiellement

Pour gérer autrement les sédiments

Sur le Rhône genevois, on parle désormais d’abaissement partiel et non plus de vidange-chasse, comme c’était le cas auparavant, et surtout de manière très spectaculaire en 2012. Pour la première fois, les opérateurs suisses et français ont procédé durant les derniers jours du mois de mai à la principale des mesures complémentaires prises d’un commun accord pour "gérer autrement" l’accumulation de sédiments apportés par l’Arve dans la retenue de Verbois. Abaisser le fleuve de manière partielle devrait permettre de réduire les impacts négatifs des vidanges brutales tout en tenant compte des impératifs économiques et techniques de la production d’hydroélectricité.

Les grands ouvrages hydroélectriques construits sur le Rhône en aval de Genève - à savoir les barrages de Verbois, de Chancy-Pougny et de Génissiat, respectivement gérés par les Services Industriels de Genève, la Société des Forces Motrices de Chancy-Pougny et la Compagnie Nationale du Rhône – sont fortement impactés par les quelque 300 à 400’000 mètres cubes de sédiments apportés chaque année au fleuve par l’Arve drainant le bassin versant du Mont-Blanc.

Cela a pour effet d’une part de diminuer fortement le volume d’eau utile de la retenue de Verbois et donc aussi le potentiel de production électrique du barrage, et d’autre part d’accroître ici et là les risques d’inondations, en particulier dans le quartier genevois de la Jonction. Pendant longtemps, c’est-à-dire depuis la mise en eau du barrage en 1942 jusqu’en 2003, l’élimination de ces dépôts sédimentaires a été menée par le biais d’une vidange complète des retenues des barrages suivie d’une chasse.

Mais cette façon de vidanger la retenue provoquait d’importants dégâts au milieu fluvial : effondrements de rives et de roselières, assèchement de plantes aquatiques habituellement submergées, disparition de nids de colverts, grèbes, foulques et autres oiseaux emportés par le courant, poissons irrémédiablement entraînés vers l’aval et disparition de leurs zones de reproduction, etc. Autant d’arguments qui avaient permis aux pêcheurs genevois d’obtenir dès 2003 un moratoire sur ces chasses dans l’espoir que cette pratique soit définitivement abandonnée.

Une gestion des sédiments
"moins dommageable" à l’environnement

En 2012, compte tenu de l’énorme quantité de sables, limons et autres sédiments accumulés pendant neuf ans, une nouvelle purge avait été jugée absolument nécessaire et les SIG avaient mis à profit cette vidange pour remplacer les grilles du barrage de Verbois. Mais l’opération, qui n’avait guère convaincu les défenseurs de l’environnement, eut aussi pour effet de susciter de part et d’autre de la frontière franco-suisse une large concertation des collectivités publiques, des exploitants, des riverains et des associations écologistes, qui déboucha en 2015 sur un protocole d’accord transfrontalier pour la gestion sédimentaire du Haut-Rhône.

Cet accord prévoit notamment le remplacement des vidanges complètes dommageables à l’environnement par une série de mesures complémentaires plus respectueuses de la faune et notamment des poissons : lors des crues de l’Arve tout d’abord, le transit des sédiments doit être favorisé grâce à des vitesses d’évacuation suffisantes dans le Rhône par des apports d’eau en provenance du lac Léman ; le niveau d’eau des barrages de Verbois et de Chancy-Pougny sera ensuite abaissé partiellement tous les trois ou quatre ans ; les éventuels matériaux restants devraient enfin être évacués ponctuellement par des dragages du fleuve.

La combinaison de ces trois mesures devrait en principe mettre un terme définitif aux chasses complètes. L’abaissement partiel de 2016 était une première occasion de vérifier la pertinence de cette nouvelle manière de gérer le Rhône genevois. Il est toutefois bien trop tôt pour tirer un bilan de l’opération : mesurer de façon précise la quantité de sédiments évacuée et l’importance des impacts de cette nouvelle vidange sur l’environnement va prendre plusieurs mois. (Sources : État de Genève, SIG)


 Le communiqué officiel concernant
l’abaissement partiel du Rhône.
 Suivre l’événement sur le site des
Services industriels de Genève
 Le site de la Fédération des sociétés
de pêche genevoises

 Le blog de Christophe Ebener :
La tête sous l’eau

 Voir aussi dans aqueduc.info : Vidange du Rhône 2012 : bilan technique positif, impact environnemental contesté (12 avril 2013), ainsi que le dossier/album photo : Vidange chasse au barrage de Verbois (18 juin 2012).




Infos complémentaires

Barrage de Verbois, samedi 21 mai 2016, sur le coup de midi. L’opération d’abaissement partiel de la retenue vient de commencer.

À l’aval des installations, des pêcheurs récupèrent des poissons surpris par la mise à sec de la passe : plus de deux tonnes d’individus, principalement des gardons, ont été pêchés au seau pour être ensuite relâchés en amont de Genève, à l’abri des opérations de vidange.

Les jours suivants, des pêches électriques de sauvetage ont été menées par le service cantonal de la pêche et des associations de pêcheurs sur plusieurs sites peu à peu déconnectés du fleuve. Plusieurs lagunes éphémères ont été alimentées en eau potable et des zones refuges aménagées dans les embouchures des deux rivières les plus importantes. À l’inverse, de petits poissons ont été déversés dans une des lagunes pour servir de nourriture à une colonie de sternes pierregarins.


Pêcheurs sur le qui-vive

Très préoccupés par ce nouveau modèle de vidange, les pêcheurs genevois avaient quoi qu’il en soit décidé de l’observer avec un maximum d’attention et de rester sur le qui-vive. Christophe Ebener. professeur de biologie et président de la Fédération des sociétés de pêche genevoises, notait par exemple sur son blog que la période choisie pour cet abaissement du fleuve était l’une des pires possibles :

"Les oiseaux sont en période de nidification, et l’abaissement brutal des lignes d’eau aura un effet significatif sur les femelles qui couvent ou les jeunes fraichement éclos. Il en sera de même pour les castors, dont les adultes en perdition ne pourront certainement pas assurer la survie de leurs jeunes. L’augmentation des vitesses d’écoulement et de la concentration des particules en suspension dans l’eau se traduira une nouvelle fois par la dévalaison ou la mortalité des jeunes poissons, qui auraient pourtant eu plus de chance de survivre si on leur avait laissé quelques mois de croissance supplémentaire."


L’abaissement 2016
en quelques chiffres

Ce premier abaissement partiel du Rhône, programmé tout d’abord pour le 19 mai 2016 au barrage de Génissiat puis dès le lendemain au barrage de Verbois, a finalement été retardé de 24 heures en raison de conditions météorologiques défavorables et de débits trop importants de l’Arve et de plusieurs affluents du Rhône sur territoire français. Pour les mêmes raisons, la remontée des retenues a été initiée le 29 mai, soit 24 heures plus tôt que prévu.

 L’opération aura finalement duré 10 jours (5 en 2012).
 Coût estimé de l’opération pour les Services industriels de Genève : environ 3,4 (2,4) millions de francs, y compris le manque à gagner de production électrique.
 Au plus fort de sa vidange partielle, le barrage de Verbois relâchait chaque seconde quelque 500 mètres cubes d’une eau chargée d’une dizaine de grammes de sédiments par litre, autrement dit : 5 tonnes de limons par seconde.
 Au maximum de son abaissement, le niveau de la retenue de Verbois est descendu à 11,5 mètres (18) en-dessous de sa cote d’exploitation normale.
 Débit à Verbois : 250-550 (200-500) mètres cubes par seconde.
 Estimation du volume des sédiments qui pouvaient être évacués : un million à un million et demi (2,7) de mètres cubes.
 Les taux de matières en suspension dans le Rhône genevois ont certains jours atteint des concentrations moyennes de l’ordre de 7 à 9 grammes par litre : il était prévu que le taux maximum ne dépasse pas les 15 g/l (la vidange-chasse de 2012 avait par moment atteint des pics de 45 g/l entraînant la mort de nombreux poissons alors privés d’oxygène).
 L’opération n’a eu que de très faibles répercussions en amont sur le niveau du Lac Léman.
(Données SIG)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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