Les réseaux d’eau, gourmands en électricité
En Suisse, selon les données fournies par l’Office fédéral de l’énergie, l’approvisionnement en eau coûte chaque année à peu près 60 millions de francs d’électricité. Cela représente grosso modo le quart des coûts variables de la distribution d’eau. Et cela veut dire aussi qu’en moyenne les réseaux d’eau consomment un cinquième de l’électricité utilisée par les collectivités publiques.
Est-il possible - où et comment – de réduire cette consommation de courant ? Oui, répondent les spécialistes qui avancent plusieurs pistes concrètes, du genre : améliorer les systèmes d’automation des réseaux, colmater les fuites d’eau, optimiser les pompes. En plus clair : 10% de l’eau pompée est perdue à cause de systèmes d’automation déficients, mal adaptés à la gestion des ressources disponibles et des demandes des usagers ; ce chiffre grimpe à près de 20% quand il s’agit des pertes d’eau subies dans des conduites endommagées ; quant aux pompes, leur rendement est un critère essentiel quand on sait que 65% de l’eau potable est pompée et que 92% de l’électricité consommée dans les réseaux d’eau l’est par des systèmes de pompage.
SuisseÉnergie (programme de l’Office fédéral de l’énergie) cite l’exemple de la commune de Saint-Blaise, dans le canton de Neuchâtel. Elle a fait faire une analyse énergétique détaillée pour améliorer la gestion de son réseau d’eau et en diminuer les coûts. Lorsque les différentes mesures décidées seront réalisées dans les différents secteurs mentionnés plus haut, la commune devrait économiser chaque année environ 85’000 kWh (46% de moins que dans la situation de départ), soit plus de 20’000 francs par an, un gain jugé nettement supérieur à l’amortissement des investissements consentis.
L’eau potable peut aussi faire tourner les turbines…
Si l’on peut économiser l’énergie nécessaire à la distribution de l’eau potable, on peut aussi – ce qu’on oublie sans doute trop souvent – exploiter son potentiel de turbinage. L’idée n’est pas vraiment nouvelle. On cite ainsi l’exemple d’hôteliers de l’Engadine qui, bien avant l’apparition de réseaux électriques publics, avaient installé des turbines dans leurs conduites d’eau pour fournir de la lumière à leurs clients ! Depuis 1990, une centaine de nouvelles centrales hydrauliques sur eau potable ont été aménagées en Suisse, ce qui représente une production de quelque 60 millions de kWh par an, l’équivalent de la consommation de 12’000 ménages.
Il suffit, dit-on, d’une chute de 50 mètres de hauteur et d’un débit de 500 litres à la minute pour que la production d’énergie soit rentable. Ce qui veut dire que même sur le Plateau suisse il est possible d’imaginer d’installer des turbines sur les conduites de captage d’eau de source comme sur les conduites de raccordement entre des réservoirs. Sans que cela ne perturbe en quoi que ce soit la qualité de l’eau ni les écosystèmes ni le paysage.
D’après les calculs de SuisseÉnergie, le coût de production d’énergie de ce genre de centrales hydrauliques sur eau potable varie entre 5 et 20 centimes par kWh. Leur rentabilité dépend évidemment des frais de construction, du choix des installations ainsi que du produit de la vente de ce courant vert. À ce propos, on notera que certaines entreprises électriques passent avec les communes des contrats de reprise de l’électricité produite par ces mini-centrales pour la distribuer sur leurs propres réseaux, cela pour une rétribution minimale fixée en principe à une moyenne annuelle de 15 centimes le kWh.
Eaux sales et courant propre
L’eau claire, voire potable, offre une force hydraulique dont n’importe quel habitant de Suisse mesure aisément l’importance et l’utilité immédiate. Mais qu’en est-il des eaux usées ? Ici, le raisonnement paraît moins évident et le message plus difficile à faire passer. Pourtant, c’est un thème d’une très grande actualité dans les stations d’épuration.
Une première application possible découle du simple constat que les eaux usées représentent une source de chaleur à long terme utilisable pour chauffer de grands ensembles de manière efficace et écologique. Le principe n’en est pas très compliqué : on place un échangeur de chaleur dans la canalisation d’égouts, il en tire une énergie que la pompe à chaleur rendra utilisable pour la préparation d’eau chaude et pour le chauffage. Au besoin, l’appoint nécessaire sera fourni par un chauffage conventionnel. Il existe aujourd’hui en Suisse des bâtiments dans lesquels la chaleur des eaux usées couvre 50 à 80% des besoins de chauffage.
Une autre application, qui permet aux STEP de réaliser des économies d’énergie, consiste à produire elles-mêmes une partie de leur courant en convertissant le biogaz en électricité. Le problème à résoudre est celui de la « digestion » des boues résultant du traitement des eaux usées. Stockées dans des cuves de fermentation privées d’oxygène, les boues émettent un gaz qui se prête bien à la production de courant électrique. Les exemples ne manquent pas, dans toutes les régions de ce pays, de communes et de stations d’épuration qui prouvent que les eaux usées sont aussi une source importante d’énergie renouvelable. Ainsi la production de biogaz de la STEP de Neuchâtel (photo ci-contre) permet de couvrir 65% de ses besoins électriques et 100% de ses besoins en chaleur.
Une économie annuelle de 200 GWh
Pour conclure, un chiffre : 200 GWh, c’est-à-dire 200 millions de kilowattheures. C’est la quantité d’électricité qui, chaque année, pourrait être économisée pour la production d’eau potable en Suisse, soit une diminution de près de 20 pour cent. Cette estimation a poussé l’Office fédéral de l’énergie à lancer un programme spécial destiné à sensibiliser les autorités communales et les distributeurs à analyser le fonctionnement de leurs réseaux d’eau. Et à en tirer sans tarder les conclusions pratiques.
Voir aussi :
– Article aqueduc.info sur Aqua Pro édition 2003
– Dossier aqueduc.info sur Aqua Pro édition 2005