Pour mener à bien cette étude dont les résultats sont publiés par la revue Nature, les chercheurs [1] ont passé une bonne dizaine d’années à collecter d’énormes quantités de données, créer des cartes numériques et procéder à des simulations informatiques permettant d’étudier les impacts des aménagements humains sur des millions de cours d’eau, de lacs et de retenues et sur leurs connexions hydrographiques.
Un cours d’eau à écoulement libre, selon la définition scientifique qu’ils en donnent, est celui "où les fonctions et les services de l’écosystème ne sont majoritairement pas affectés par les modifications de leur connectivité, ce qui permet un échange sans obstruction de l’eau, des sédiments, des espèces et de l’énergie dans le système hydrographique et avec les paysages environnants".
"Les fleuves et les rivières du monde forment un réseau complexe qui entretient des liens vitaux avec la terre, avec les eaux souterraines et avec l’atmosphère, explique Günther Grill, chercheur à l’Université McGill et auteur principal de l’étude. Les cours d’eau libres sont importants pour l’homme et l’environnement, mais le développement économique dans le monde les rend de plus en plus rares. À l’aide d’images satellitaires et d’autres données, notre étude examine l’étendue de ces rivières avec plus de détails que jamais auparavant."
La principale perte de connectivité des cours d’eau est due aux barrages au fil de l’eau et aux lacs artificiels. Les chercheurs estiment qu’il existe aujourd’hui de par le monde quelque 60’000 grands barrages et que plus de 3’700 aménagements hydroélectriques sont actuellement prévus ou en construction, ce qui s’explique entre autres par le fait que nombre de pays font de plus en plus le choix de l’hydroélectricité comme source d’énergie renouvelable.
Pour Bernhard Lehner, professeur d’hydrologie dans la même université québécoise, "il ne s’agit pas de renoncer au développement [de ces infrastructures], mais de trouver des solutions intelligentes et durables dans lesquelles des cours d’eau à écoulement libre et des êtres humains peuvent coexister. Donner la priorité à d’autres sources d’énergie telles que l’énergie éolienne et solaire, améliorer le fonctionnement des barrages ou identifier de meilleurs emplacements pour les barrages pourraient faire partie de ces solutions."
L’étude note également que les changements climatiques menaceront davantage encore la santé des cours d’eau et que la hausse des températures a d’ores et déjà des impacts sur les modèles d’écoulement, sur la qualité de l’eau et sur la biodiversité. (Sources : Revue Nature, McGill University)