Thermomètre à la hausse, donc davantage d’évaporation et de précipitations. Élémentaire mon cher Watson. L’eau est au cœur des changements climatiques. Elle en est même l’un des premiers symptômes : on nous annonce un cycle hydrologique profondément perturbé, dans les quantités d’eau qui tombent ou ne tombent pas, dans leur distribution sur le calendrier des saisons et sur les cartes météo.
Cela ne semble pourtant pas préoccuper outre mesure les diplomates qui planchent depuis des mois sur les textes de la Conférence de Copenhague. Ils ne montrent guère d’intérêt en tout cas pour les conséquences des mutations climatiques sur les ressources hydriques et discutent entre eux comme si les questions posées autour de l’accès à l’eau et de sa gestion n’étaient d’aucune importance pour la survie de l’humanité.
Plusieurs organisations, et pas seulement dans la nébuleuse non gouvernementale, dénoncent vigoureusement cette attitude dont ils ont la preuve : le dernier ’brouillon’ de négociation (‘non-paper’ dans le jargon diplomatique) ne comporte aucune référence claire à l’eau et à sa gestion comme l’un des éléments essentiels de l’adaptation aux changements climatiques.
Cette omission volontaire est d’autant moins compréhensible que les experts ès sciences du climat ne cessent de redire, rapport après rapport, que ces problèmes sont insuffisamment pris en compte dans la formulation des politiques environnementales. Même discours au sein des agences spécialisées de l’ONU : “Ce serait une grossière erreur de ne pas davantage reconnaître la place de l’eau dans les stratégies et les plans d’adaptation à ces changements”, clame le président de ‘ONU-eau’, chargée de coordonner les initiatives onusiennes dans les divers secteurs de l’eau.
En matière de gestion mondiale des ressources en eau comme en bien d’autres domaines, le constat est vraiment simple à faire : le monde souffre cruellement d’un manque de volontés politiques et d’actions crédibles. S’il fallait encore s’en convaincre, il suffirait de regarder avec quel dédain les grands dirigeants de la planète ont boudé le dernier sommet mondial de la FAO sur la sécurité alimentaire, à Rome à la mi-novembre, et à quelle prose insipide se sont laissés aller ceux qui avaient fait acte de présence : “nous nous engageons à prendre aussitôt que possible des mesures pour éliminer durablement la faim”, “nous nous intéresserons à l’accès aux ressources en terres et en eau”, etc. Rien de concret. Pas d’agenda pour traduire en gestes ces vaines promesses, pas d’engagement chiffré pour leur donner la moindre des consistances.
La politique étant l’art du possible, il serait grandement téméraire de croire que Copenhague pourrait accoucher d’un accord international ambitieux et unanime, légalement contraignant et financièrement étayé. Au mieux peut-on imaginer une sorte de canevas diplomatique minimum sur lequel les gouvernements pourraient continuer à négocier dans les mois à venir. Avec les formules rituelles dans lesquelles il suffit, entre deux sommets, de garder les verbes et de changer simplement d’objet direct. Là, la faim. Ici, le réchauffement climatique.
Quant aux silences sur l’avenir de l’eau, cela finit par devenir une habitude. La Convention sur les changements climatiques ne s’en préoccupait déjà pas plus que ça. D’ailleurs on s’était bien gardé à Rio de proposer le moindre traité sur la ressource eau, dont le fameux Agenda 21 disait pourtant qu’elle pourrait pâtir des changements du climat mondial. Et une majorité d’États de par le monde continue à s’opposer à toute idée d’une Convention internationale sur l’eau qui en garantirait l’accès vital à tout un chacun.
Reste peut-être un moyen de convaincre présidents, ministres et autres diplomates indécis : les priver d’eau potable pendant les dix jours de la conférence danoise. Après tout, le patron de la FAO a bien fait grève de la faim la veille du sommet sur l’insécurité alimentaire. Une façon pour lui de témoigner un peu de solidarité avec le milliard de gens qui n’ont rien ou presque à se mettre sous la dent. La soif, comme la faim, oblige à l’urgence et à l’essentiel.
Bernard Weissbrodt
Copenhague, l’eau et le climat, dossier aqueduc.info
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