"Bled dry". Exsangue. C’est le titre d’un rapport que le CICR publie pour alerter l’opinion internationale sur les graves problèmes liés à l’approvisionnement en eau dans les pays du Proche et Moyen Orient touchés par la guerre (Syrie, Irak, Liban, Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens, Yémen).
Même s’ils étaient épargnés par les conflits, et même s’ils ne devaient pas faire face aux effets désastreux des récentes sécheresses, ces pays auraient de toutes les façons beaucoup de difficultés à répondre à des besoins en eau en augmentation continuelle du fait de populations urbaines toujours plus nombreuses et d’une demande croissante de denrées alimentaires. Ils souffrent depuis longtemps de graves pénuries d’eau qui entravent la production agricole et limitent l’approvisionnement des familles. L’intensification des violences de toutes sortes et les très faibles apports de pluies au cours des dernières années, à quoi s’ajoute l’exode forcé de millions de Syriens, font qu’aujourd’hui ces régions sont menacées par une catastrophe humanitaire sans précédent.
Robert Mardini, chef des opérations pour le Proche et le Moyen-Orient au CICR, dénonce également l’arrêt délibéré des systèmes d’approvisionnement en eau, voire leur destruction pour des raisons militaires ou politiques : "Faire de l’accès à l’eau une tactique ou une arme pendant un conflit, ou attaquer des installations d’alimentation en eau ou en énergie, non seulement constitue une violation du droit des conflits armés, mais a également des conséquences très dommageables sur la vie de personnes dont la santé est déjà extrêmement vulnérable".
Faute de maintenance suffisante ou rendue impossible par les conflits, les réseaux laissent s’échapper de grandes quantités d’eau importantes. Dans le seul cas de la Syrie, note le CICR, les responsables locaux estiment qu’en 2014, les fuites provoquées dans le réseau par les dégâts dus au conflit ont entraîné la perte de quelque 60 pour cent de la quantité d’eau pompée. Quant au prix de l’eau, il est évidemment à la hausse, parce que les services municipaux doivent s’équiper de générateurs pour compenser les déficiences du réseau électrique et parce que la population doit parfois faire appel à des camions-citernes de fournisseurs privés pour s’approvisionner en eau.
On sait aussi que les dégâts causés aux installations de production d’énergie électrique peuvent avoir de très lourds impacts non seulement sur les équipements de pompage et de potabilisation de l’eau, mais aussi sur l’évacuation et le traitement des eaux usées, et sur le fonctionnement des structures de santé. Dans bien des cas, note le CICR, les eaux d’égout et autres eaux usées ne sont pas traitées correctement et constituent une grave menace pour la santé communautaire.
Face à de telles situations, il n’existe pas de solutions faciles d’autant que, explique Robert Mardini, "la communauté humanitaire n’est pas en capacité de répondre aux besoins des populations en venant sans cesse se substituer aux services ou en offrant des solutions de fortune". Néanmoins, le CICR et ses partenaires nationaux multiplient les actions pour améliorer autant que possible les conditions de vie de millions de personnes touchées par ces conflits.
Cela implique d’une part de répondre aux besoins immédiats en eau potable et faire en sorte que les populations ne s’alimentent pas à des sources contaminées, d’autre part de veiller à reconstituer les hydrosystèmes naturels et à réalimenter les nappes souterraines pour garantir la pérennité de l’approvisionnement en eau. Il faut également faire pression sur les acteurs armés des conflits pour qu’ils cessent de se servir de l’eau comme d’une arme de guerre et pour qu’ils autorisent les organisations humanitaires à intervenir techniquement sur place pour rétablir les services de l’eau essentiels à la vie des populations. (Source : CICR)
– Site web du CICR
– Le rapport Bled Dry (en anglais) est disponible sur le site du CICR en version résumée (12 p.) ou intégrale (36 p.)