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1er janvier 2006.

Année internationale des déserts et de la désertification

Une année des déserts et de la désertification en pleine (...)

Une année des déserts et de la désertification en pleine décennie de l’eau, pourquoi pas ? Les Nations Unies nous ont déjà habitués à bien d’autres juxtapositions et paradoxes. Après tout, les dunes ne sont peut-être que le négatif des vagues, comme la sécheresse celui de l’inondation. Mais on aurait tort de ne penser la thématique de cette année internationale qu’en termes de ressources naturelles. La lutte contre la désertification n’est pas qu’un combat écologiste contre la dégradation continue des terres arides. L’avancée des déserts concerne des millions de personnes. Elle engendre la pauvreté et l’exode. Elle détruit un vrai tissu social et d’authentiques valeurs culturelles.

La terre souffre du cancer de la peau. Ici et là apparaissent d’abord quelques taches de terre dégradée. Des taches qui peu à peu s’élargissent, se rejoignent et forment de véritables déserts. Conséquence : des populations entières sont forcées de partir à la recherche de territoires plus herbeux pour y faire leurs cultures et paître leurs troupeaux. En une génération, un pays comme la Mauritanie a vu se sédentariser la presque totalité de ses populations nomades, jadis nettement majoritaires. Autant dire que la dégradation des sols peut avoir de très grosses retombées sociales et politiques, jusqu’à déclencher de véritables guerres. En Somalie, par exemple.

Ce n’est pas seulement la faute au soleil ni aux conditions climatiques. L’homme y a sa part de responsabilités. On sait ce terrible cercle vicieux qui veut que le désert rende ses habitants toujours plus pauvres et que la pauvreté contribue à le faire avancer. Tout simplement parce que les moyens de préserver l’environnement font défaut. Et parce que des centaines de milliers de gens ne peuvent investir dans la conservation des terres si ces terres ne leur appartiennent pas.

Il faudrait bien sûr parler aussi des méthodes de culture et d’élevage qui accélèrent le processus de désertification. Il y a de plus un énorme fossé entre les moyens technologiques – satellites, banques de données, etc. - qui permettent de mieux connaître et parfois de prévenir les phénomènes climatiques, et les pauvres outils à disposition de l’agriculteur sahélien attaché à la terre de ses ancêtres. Mais comment combler ce fossé ?

Il en va des terres comme de la couche d’ozone ou des espèces végétales et animales : si on ne fait pas tout pour les conserver, on met en péril l’ensemble des équilibres naturels de la planète. La bataille contre la désertification ne peut être que solidaire, sans quoi elle devra faire face à des catastrophes écologiques, économiques et sociales.

Cela suppose que sur le terrain les populations directement concernées soient associées aux décisions qui les concernent. Et que les gouvernements, du Nord et du Sud, honorent les engagements qu’ils ont pris en signant il y a douze ans la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Hélas, non seulement la nécessité de protéger ces milieux arides est mal connue et mal comprise, mais les gouvernements eux-mêmes rechignent à investir dans les moyens de lutte.

La Convention sur la lutte contre la désertification

La Convention sur la lutte contre la désertification, signée à Paris en 1994, entrée en vigueur deux années plus tard et ratifiée par la quasi-totalité des États de la planète, est le troisième résultat tangible du Sommet de Rio de 1992, après les deux traités sur la biodiversité et sur les changements climatiques. L’enjeu de cette convention est vital : il concerne au moins un milliard de personnes et un quart des terres émergées.

Quand on parle de lutte contre la désertification, il ne s’agit pas d’abord de reconquérir les espaces envahis par les sables, mais de protéger la fertilité des zones arides qui n’ont pas encore été dégradées et d’assurer la subsistance alimentaire de ceux qui les habitent. Les remèdes, on les connaît : agriculture écologique, reboisement, irrigation.

Pour cela, il faut de l’argent. De ce point de vue, la convention n’est guère contraignante et ne dégage pas beaucoup de nouvelles ressources financières. Mais pour les gouvernements (du Sud et du Nord) qui prennent ce problème au sérieux, c’est là un moyen de mieux coordonner leurs engagements et de mieux utiliser les fonds disponibles.

L’autre point fort de la convention réside dans sa démarche "de bas en haut" : le premier rôle revient aux organisations des populations paysannes directement concernées. L’enjeu, ici, n’est pas tant financier que démocratique. Plusieurs gouvernements qui ne s’étaient pas particulièrement fait remarquer par la qualité de leur écoute des collectivités locales ont accepté en tout cas de relever le défi. Ce type de partenariat qui depuis des années inspirait déjà bon nombre d’organismes publics et privés d’aide au développement est en quelque sorte devenu une référence, voire une norme internationale.

Bernard Weissbrodt




Infos complémentaires

:: « La patience des hommes du désert n’est pas infinie »

Chérif Rahmani, ministre algérien de l’environnement et président de la Fondation Déserts du monde, dans une interview publiée par Le Temps du 25 janvier 2006 :

« Un certain nombre de populations qui ont survécu dans des conditions extrêmes durant des siècles risquent de disparaître et, avec elles, des modes de vie et des civilisations qui ont apporté une contribution essentielle à l’histoire de l’humanité. Ne représentent-elles pas, par exemple, le berceau des grandes religions monothéistes ? (…) J’espère que maintenant la communauté internationale comprendra que, face au péril du réchauffement climatique, elle a pour devoir de se préoccuper en priorité des personnes les plus exposées, de ces hommes du désert dont la capacité d’adaptation est légendaire mais pas infinie »


Huguette Genest et Francis Petter, in Encyclopædia Universalis, 2004, article « Vie dans les déserts » :

« Le rôle devenu plus important des frontières, la ‘pacification’ des tribus guerrières et la concurrence des camions ont beaucoup contribué à la sédentarisation des nomades, qui reste cependant un phénomène assez lent ; toutefois, elle peut croître brusquement dans les zones périphériques de steppe à l’occasion d’une crise économique ou d’une modification du système d’élevage. Pour beaucoup de nomades, humiliés dans leur orgueil de classe et, dans l’ensemble, appauvris, l’abandon de la vie pastorale s’accompagne d’un chômage total. Mais certains, en se fixant dans les oasis, s’initient très rapidement à la culture et apprennent l’irrigation. Ceux-là comprennent que seule la vie sédentaire permettra à leurs enfants de s’instruire. »


:: Liens utiles :

Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification

Site de l’Année internationale des déserts et de la désertification

Page spéciale du site de la Commission suisse pour l’UNESCO


:: À lire :

"Le livre des déserts, itinéraires scientifiques, littéraires et spirituels"
Publié sous la direction de Bruno Doucey, Robert Laffont, collection Bouquins, 2006, 1230 pages

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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