Au lendemain du cataclysme qui a frappé sa ville de Ouagadougou, Ernest Diasso, journaliste au ‘Journal du jeudi’, s’interroge sur le pourquoi de cette violente et soudaine trombe d’eau qui a laissé 150’000 Burkinabés sans toit sans vivres ni plus rien d’autre d’ailleurs.
Aucun signe avant-coureur n’avait annoncé pareil désastre. Bien au contraire. Chacun redoutait de devoir affronter une énième sécheresse. Jusqu’à ce premier jour de septembre qui vit la pluie tomber des heures durant et des torrents ocres envahir brutalement rues et carrefours, semer la panique dans les hôpitaux et les maternités, ronger banco, pisé et autres terres crues dont sont faits les habitats des moins fortunés.
Pour des Sahéliens, le spectacle est apocalyptique, raconte Ernest Diasso : “des véhicules flottent sur l’eau et s’entrechoquent, la moitié des ponts concernés par ce parcours cède, une centrale électrique inondée cesse durablement de fonctionner, le doute s’installe sur l’innocuité de l’eau du robinet... Avait-on trop prié pour demander la pluie ?...”
Au Bénin, où le fleuve Mono fait à nouveau parler de ses débordements, on dit volontiers, dans la sagesse populaire, qu’“on ne se fâche pas avec l’eau”. Au village, alors que les cimetières et même les objets de culte sont submergés, les inondations sont encore interprétées comme une sorte de punition divine en réponse aux transgressions répétées des règles de la vie.
Quoi qu’il en soit, le reste du monde ne s’est guère préoccupé de ces flots qui ont soudainement envahi plusieurs régions et villes d’Afrique de l’Ouest, emportant dans la mort des dizaines de gens et privant d’abri pas moins de 600’000 personnes. Les opinions occidentales avaient sans doute d’autres maux à prévenir, épidémies de grippe A, éternuements sociaux, fièvres politiques, rechutes économiques ou convalescences financières.
A-t-on trop prié ? Des Valaisans, au début de l’été, se sont aussi posé ce genre de question. Il y a fort longtemps, certains de leurs ancêtres avaient fait le vœu de s’adresser directement à Dieu et à ses saints pour tenter de conjurer l’avancée du glacier d’Aletsch qui, à la fonte des neiges, provoquait régulièrement de grosses inondations sur leurs terres.
Promesse oblige : chaque année, les plus pieux d’entre les fidèles s’en vont encore en procession alors même que la menace naturelle s’est radicalement inversée. Si les glaciers continuent de reculer et de fondre à la vitesse qu’on leur connaît aujourd’hui, alors il y a peut-être grand risque qu’on finisse un jour par manquer d’eau. Il serait donc grand temps de renverser la prière et d’égrener des chapelets de Pater et Ave pour freiner le réchauffement climatique. Ce qui, paraît-il, nécessiterait toutefois une autorisation papale…
Réchauffement climatique : le coupable est vite montré du doigt et certains dirigeants Africains avancent d’ores et déjà l’idée de réclamer des compensations financières aux pays industrialisés responsables de tous ces dérèglements atmosphériques. D’autres, tel le professeur Cheikh Mbow, à Dakar, préfèrent s’interroger sur d’autres causes possibles : en zone urbaine, les bilans catastrophiques des inondations seraient d’abord liés à des problèmes de croissance démographique, de pauvreté et de politiques déficientes en matière d’aménagement urbain.
En décembre, Copenhague hébergera un sommet onusien très attendu sur les changements climatiques. Mais il n’est pas certain que les leaders politiques prendront leur courage à deux mains pour trouver les parades appropriées. Pas plus que les prières des fidèles de toutes les religions du monde n’apporteront de remède probant aux spasmes de la planète. ‘Aide-toi et le ciel t’aidera’ semble encore le seul mot d’ordre un tant soit peu réaliste.
Bernard Weissbrodt
Post-Scriptum. « Nous prions le Grand Dieu que le cyclone passe chez nous. Même s’il détruit nos maisons, c’est mieux que subir la sécheresse ! » (Constat d’un élu local du sud de Madagascar, cité dans un article paru dans ‘Le Temps’ du 3 novembre 2009)