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28 septembre 2013.

À Dakar, une pénurie d’eau sans précédent

Macky Sall, le président du Sénégal, a dû précipitamment quitter (...)

Macky Sall, le président du Sénégal, a dû précipitamment quitter New York où il participait à l’Assemblée générale des Nations unies, pour rentrer dans sa capitale touchée depuis une quinzaine de jours par une pénurie d’eau sans précédent, suite à une panne catastrophique dans une station du réseau de distribution. De nombreux quartiers de Dakar sont depuis lors privés d’eau potable alors même que certains d’entre eux se remettaient à peine de graves inondations survenues quelques semaines auparavant. Les manifestations de mécontentement se multiplient sous diverses formes en même temps que les solutions provisoires au jour le jour. Nul ne sait encore quand l’eau coulera à nouveau dans les robinets.

Une rupture s’est produite le 12 septembre dans une adduction de grande capacité dans la station de Keur Momar Sarr, à quelque 250 kilomètres de Dakar, non loin du Lac de Guiers qui assure 40% de l’approvisionnement en eau des trois millions d’habitants de la capitale et de sa périphérie.

De nombreuses voix se sont alors rapidement fait entendre, relayées par la presse sénégalaise, pour dénoncer la lenteur des autorités à prendre la mesure du problème et de la situation de pénurie à laquelle sont confrontées des dizaines de milliers de familles.

Les autorités de la ville ont certes réquisitionné des camions-citernes et fait appel à l’armée, à la gendarmerie, aux sapeurs-pompiers ainsi qu’à des centaines de volontaires pour transporter et distribuer de l’eau potable, mais elles semblent avoir été dépassées par les événements : les Dakarois, contraints de faire la queue devant les points de distribution ou de faire la navette entre leurs maisons et les quartiers épargnés par la crise, ne font pas mystère de leur mécontentement, sinon de leur colère qui s’exprime ici et là de manière plus ou moins spontanée dans des manifestations de rue. Les protestations et les informations pratiques s’égrènent aussi sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter via #EauSecours et #EauSolution.

La pénurie génère d’autres problèmes : le prix de l’eau au bidon, là où elle coule encore, ne cesse d’augmenter ; idem pour les eaux minérales en bouteille dont les stocks s’épuisent rapidement. Le manque à gagner est évident chez les commerçants, restaurateurs, laveurs de voiture et autres petits artisans.

Les défenseurs des droits de l’homme ne cachent pas non plus leurs préoccupations qui voient dans cette situation une violation du droit humain à l’eau. Amnesty International, entre autres, demande explicitement au gouvernement, sans attendre la fin des travaux de réparation du réseau, de "mobiliser tous les moyens de l’État et du secteur privé (camions citernes, etc.) pour approvisionner les quartiers affectés par la pénurie et soulager la souffrance de leurs habitants".

De retour de toute urgence à Dakar, le président Macky Sall a dit sa solidarité et sa compassion à l’égard des personnes durement éprouvées par le manque d’eau potable. Se voulant concret, il a promis que l’État prendrait à sa charge les factures d’eau du mois de septembre, sans toutefois préciser qui bénéficierait de cette gratuité.

Parallèlement, il a demandé l’assistance technique de la France et de la Chine pour aider le Sénégal à trouver la pièce de rechange qui fait défaut à la station de Keur Momar Sarr et à réparer au plus vite le réseau d’adduction de la capitale. Plus encore, estimant que Dakar a besoin d’un vrai diagnostic du système d’approvisionnement en eau, il a annoncé la mise en œuvre d’un double audit sur la qualité des ouvrages hydrauliques et sur l’organisation technique et financière de la distribution d’eau. C’est, à ses yeux, un impératif de sécurité nationale que de trouver de nouvelles stratégies et de nouvelles solutions, et surtout de disposer d’un dispositif garantissant la distribution d’eau en cas de problème.

Pour sa part, la premier ministre Aminata Touré, qui a fait savoir que les responsabilités de cette crise seront évaluées et que des sanctions seront prises, n’a pas exclu une rupture du contrat de concession qui lie le Sénégal à la société privée chargée de la distribution de l’eau. La Sénégalaise des eaux (SDE), qui en a la charge depuis le milieu des années 1990, est une filiale d’une holding basée à Paris dans laquelle l’État sénégalais ne détient que 5% des actions. (Sources : divers organes de la presse sénégalaise)

La suite, en bref
Fin septembre, alors que la SDE annonce la remise en marche progressive de son usine de traitement des eaux à Keur Momar Sarr, le ministère de l’Éducation nationale fait savoir que la rentrée scolaire prévue le 3 octobre est reportée de quelques jours dans la région de Dakar. Dès le 1er octobre, l’eau revient peu à peu dans certains quartiers de Dakar. Mais la "crise du tuyau", qui aura duré 18 jours, n’est pas pour autant terminée. Le Sénégal attend encore la livraison de la pièce de rechange dont la pose définitive nécessitera sans doute quelque nouvelle coupure de courant …



Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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