1981-1990 : priorité aux plus pauvres
C’est la troisième décennie dédiée à l’eau par l’ONU en un demi-siècle. La première, de 1981 à 1990, avait été lancée pour tenter de traduire dans les faits les recommandations faites par la première grande conférence internationale sur l’eau, à Mar del Plata (Argentine) en 1977. Celle-ci avait "reconnu les graves conséquences qu’avait pour la santé l’absence d’eau potable et de moyens d’assainissement et souligné la nécessité de s’occuper en priorité de la situation des pauvres et des défavorisés ainsi que des régions où l’eau est rare".
Selon les statistiques onusiennes de l’époque, un milliard et demi de personnes durant cette période auraient enfin bénéficié d’un "approvisionnement suffisant en eau sûre" mais la moitié moins de "moyens d’assainissement adéquats". Cependant, à la fin de cette décennie 1981-1990, plus d’un milliard de personnes n’avait pas encore accès à une eau salubre et elles étaient 1,750 milliard à continuer de vivre dans des conditions d’hygiène tout à fait insuffisantes. Cruelle désillusion.
2005-2015 : respecter les engagements du Millénaire
Quinze ans plus tard, l’ambition de la Décennie "L’eau source de vie" (2005-2015) était d’attirer davantage l’attention "sur les questions relatives aux ressources en eau, à tous les niveaux, et sur l’exécution de programmes et de projets relatifs à l’eau, tout en visant à garantir la participation des femmes aux activités de développement concernant l’eau, et la poursuite de la coopération à tous les niveaux". Il s’agissait en particulier de concrétiser l’engagement solennel pris par les gouvernements au tournant du nouveau Millénaire de réduire de moitié avant 2015 le pourcentage de la population qui n’avait pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.
En 2015, à l’heure des bilans, l’ONU était tentée de pavoiser : à l’entendre, 91 % de la population mondiale avaient accès cette année-là à une source d’eau potable améliorée, contre 76 % en 1990, et 147 pays auraient atteint la cible "eau potable". Entendez par là une "eau potable améliorée", c’est-à-dire des points d’approvisionnement non partagés avec des animaux. Mais cela ne suffit pas à garantir que cette eau soit effectivement de bonne qualité.
Sur quoi il faut bien préciser que les chiffres annoncés au niveau mondial non seulement ne sont guère vérifiables (faute d’outils statistiques pertinents) mais cachent aussi d’énormes disparités entre les continents (l’Océanie, l’Afrique subsaharienne et l’Asie centrale n’avaient visiblement pas atteint l’objectif annoncé), entre les zones urbaines et les régions rurales, et plus globalement entre populations les plus pauvres et les plus aisées.
2018-2028 : de l’eau pour tous et durablement
Aujourd’hui, ce qui préoccupe "profondément" les Nations Unies et qui selon l’organisation mondiale justifie une nouvelle décennie de l’eau placée cette fois-ci sous le signe du développement durable, ce sont non seulement les difficultés d’accès à l’eau potable ou aux services d’assainissement et d’hygiène de base, mais aussi "les catastrophes liées à l’eau, les pénuries d’eau et la pollution de l’eau aggravées par l’urbanisation, l’accroissement de la population, la désertification, les sécheresses, d’autres événements météorologiques extrêmes et les changements climatiques", sans oublier "l’incapacité d’assurer une gestion intégrée des ressources en eau" et "la mauvaise gestion" des écosystèmes.
L’objectif de cette troisième décennie de l’eau est donc encore plus ambitieux que les précédents : "garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable", qui n’est autre que le 6e des 17 objectifs de développement durable annoncés par l’ONU "pour transformer le monde" d’ici l’année 2030 [2]. Pourtant l’an dernier, le dernier rapport en date de l’OMS et de l’UNICEF ne laissait planer aucun doute : dans 90 pays, les progrès en matière d’assainissement de base sont trop lents, ils ne permettront pas d’atteindre la couverture universelle fixée à cet horizon relativement proche.
Aujourd’hui - faut-il le rappeler ? - plus de 2 milliards de personnes, soit 30% de la population mondiale, n’ont pas accès à une eau gérée en toute sécurité et des dizaines de millions d’entre elles continuent de boire de l’eau puisée directement et sans traitement dans des cours d’eau ou des lacs. Autre réalité qui aggrave le constat précédent : 60 % des habitants de la planète (4,5 milliards) ne disposent pas de services d’assainissement suffisants et en plusieurs régions du monde déféquer à l’air libre est une pratique en augmentation. Combien seront-ils dans dix ans ? (bw)
– Site officiel (en anglais) de la Décennie de l’eau 2018-2028 :
wateractiondecade.org